Serbie : le gouvernement doit revoir sa réforme sur les médias pour répondre aux défis de la désinformation en phase avec les recommandations européennes

Si le Parlement serbe a récemment adopté deux lois sur les médias, l’Union européenne (UE) estime que les progrès en la matière restent limités. Reporters sans frontières (RSF) appelle le gouvernement serbe à suivre les recommandations de la Commission européenne afin de mieux réguler les médias et de lutter plus efficacement contre la désinformation russe.

Dans le rapport annuel sur l’élargissement de l’UE, publié le 8 novembre, auquel RSF a contribué, la Commission européenne estime que la Serbie n’a fait que des “progrès limités” en matière de liberté de la presse. En cause : les attaques régulières et virulentes des autorités à l’égard des journalistes, le manque d’indépendance de l’Autorité de régulation des médias électroniques (REM), l’absence de transparence de la propriété des médias et la diffusion de la désinformation russe par de nombreux médias. 

La formation d’un nouveau gouvernement en Serbie en octobre 2022 avait pourtant suscité de nouveaux espoirs. Un an plus tard, la loi sur l’information publique et les médias et celle sur les médias électroniques ont été adoptées à la majorité au Parlement, dominé par le parti conservateur au pouvoir. Ces nouvelles législations, après consultation du secteur médiatique, codifient le rôle du Conseil de la presse et rendent le processus de co-financement public plus transparent et accessible. 

Mais de vives critiques se font entendre, car ces textes prévoient notamment la possibilité que les médias soient rachetés par l’État, à travers l’opérateur public Telekom Srbija, et ils n’apportent aucun changement significatif dans le travail ou la composition du REM.

“Nous saluons l’adoption des deux lois sur les médias en Serbie qui contiennent de véritables solutions pour améliorer la liberté de la presse dans le pays. Néanmoins, ces réformes ne sont pas à la hauteur des enjeux. La possibilité d’un retour à la propriété de l’État sur les médias et l’absence d’une véritable réforme du REM font craindre un regain de pressions des autorités serbes et une place de choix laissée à la propagande russe. Candidate à l’intégration dans l’Union européenne, la Serbie se doit d’être plus ambitieuse dans ses réformes. RSF demande au gouvernement de réviser ces lois à la lumière des recommandations du rapport de la Commission européenne.

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

RSF appelle alors le gouvernement serbe à suivre les recommandations de la Commission européenne :

  • Prendre des mesures contre la désinformation russe

Pour faire face à la diffusion de la propagande russe, la Commission européenne recommande de “prendre des mesures urgentes pour contrer les récits anti-UE propagés par de nombreux médias et pour contrer la manipulation et l'interférence de l'information étrangère, plus particulièrement dans le contexte de la guerre de la Russie contre l'Ukraine”

  • Assurer l’indépendance de l’autorité de régulation des médias 

La Commission européenne pointe du doigt la responsabilité de l’autorité de régulation dans la propagation de la désinformation qui “n’est pas parvenue à démontrer son indépendance de manière cohérente et à exercer pleinement son mandat en sauvegardant le pluralisme des médias et les normes professionnelles”. RSF avait déjà appelé, en juin dernier, à mettre fin à la régulation toxique des médias et à rendre le REM plus efficace, indépendant et transparent. 

  • Protéger les journalistes contre toute forme de violence et d’intimidation 

Comme RSF l’avait déjà signalé, la Commission européenne s’est dite préoccupée par les “cas de menaces, d'intimidation, d'incitation à la haine et de violences à l'égard des journalistes, tout comme l'augmentation des procédures-bâillons (SLAPP), lancées notamment par des membres des autorités nationales et locales, et qui peuvent avoir un effet dissuasif, voire d'autocensure”. À cet égard, elle recommande de “veiller à ce que les hauts fonctionnaires s'abstiennent de qualifier ou d’attaquer verbalement les journalistes et d’assurer que les menaces et les cas de violence physique et verbale fassent rapidement l'objet d'un suivi et, le cas échéant, d'une condamnation publique, d'une enquête ou de poursuites”.

À noter que les amendements aux deux lois serbes, dont celui sur la propriété de l’État sur les médias, ont été proposés à la dernière minute par le gouvernement, après les consultations, et adoptés tard dans la nuit. Les décrets juridiques (“zakonska podakta” en serbe) relatifs aux lois n’ont pas encore été publiés. Le gouvernement pourrait donc améliorer ou, au contraire, durcir le cadre des lois. 

La Serbie occupe la 91e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023

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